lundi 25 novembre 2013

LES LARMES DE SANG .....


  1. Depuis des années, tout un groupe d’amies a l‘habitude de se réunir alternativement  chez l’une ou chez l’autre pour jouer au bridge. Il arrive parfois que s’y joigne une parente ou une amie de passage.

    C’est ainsi que N… amène un jour une personne volubile et charmante qui a eu, paraît-il, des attaches dans le département. Après les présentations d’usage, on se prépare à organiser les tables, quand Marie-Anne interroge la nouvelle arrivante sur le nom qu’elle porte, patronyme autrefois bien connu à L...

    - C’est tout simplement parce que mon fils s’intéresse à la généalogie que j’ai prolongé mon voyage en France. Il a trouvé des descendants, sur l’Etat Civil de votre ville, et j’ai voulu en savoir davantage, avec le secret l’espoir de les rencontrer, mais cette branche-là a déménagé depuis très longtemps.

    Plusieurs se souviennent alors d’un couple âgé dans les années trente et quelques, très investi dans leur paroisse et les kermesses.

    - Mon enquête m’a poussée à me renseigner chez un notaire du crû. Il m’a présentée à N…, nous avons sympathisé ; je lui dois d’être ici aujourd’hui et je remercie S… de m’avoir accueillie au milieu de vous.

    Toutes se déclarent heureusement surprises de cette visite inattendue. Soizic tend les cartes pour commencer à jouer, mais c’est sans compter sur Marie-Anne dont la curiosité n’est pas satisfaite.

    Tout en s’excusant auprès des unes et des autres de devoir accaparer la conversation, Odile Davenas explique aimablement l’origine de son nom. Si elle peut se dire canadienne, il n’en était pas de même pour ses arrières grands-parents.



    Michel Davenas né en 1835, s’était associé avec l’un de ses amis, Gérard Bauër, sensiblement du même âge, dans une grosse affaire de sidérurgie en Alsace.

    En 1870, alors que beaucoup de leurs amis s’installaient en Algérie pour rester français, les deux ménages Davenas et Bauër s’embarquèrent pour le Canada, après avoir vendu leur usine à un concurrent ; le sacrifice était gros, leur acheteur y gagnait beaucoup, mais leur patriotisme les réduisait à l’exil.

    Ils eurent chacun un garçon et une fille, qui, je vous donne les dates approximatives, s’unirent à la joie des parents, par un double mariage, aux alentours de 1900.

    En même temps que leurs rejetons grandissaient, la situation des courageux expatriés avait pris de l’ampleur et assurait aux deux familles plus que l’aisance. Les deux corbeilles de mariage en témoignent : comme c’était l’usage à l’époque, elles comprenaient dans un coffret de cuir, portant leurs initiales gravées, un collier, un bracelet, une montre et sa châtelaine, les boucles d’oreilles et bien sûr la bague de fiançailles. C’était un ensemble complet de diamants, de saphirs et de rubis, serti de platine.

    Evidemment, les bijoux furent dispersés au cours des successions. Pour ma part, je possède une des broches. Je l’ai déposée chez Cartier en arrivant, car la chaîne de sûreté avait besoin d’être révisée.  
     
    - C’est la recherche familiale qui vous a décidé à venir en France ?

    - Eh bien, non, mon mari a débarqué en Normandie  le 6 juin 1944. Je suis allée me recueillir sur sa tombe au cimetière de St James, et je n’ai pas eu le cœur de repartir tout de suite. Son propre père avait été mortellement blessé au « Chemin des Dames » ; je n’ai pu m’empêcher de poursuivre mon pèlerinage.

    J’ai retrouvé ensuite en Alsace un très lointain cousin, descendant des Bauër, un « Malgré-nous », autrement dit un alsacien enrôlé de force dans l'armée régulière allemande, à l’âge de 17 ans, alors qu’il venait de rentrer en classe de terminale au lycée de Haguenau.

    Jour sinistre que ce 25 août 1942, où le Gauleiter Robert Wagner, gouverneur régional de l'Alsace annexée au grand Reich de Hitler depuis juin 1940, décréta le service militaire obligatoire pour les Alsaciens. Dit comme cela, ce décret ne semblait pas être particulièrement menaçant, mais la réalité était toute autre à cette époque ! Par ces mots, il faut comprendre : incorporation de « force » dans la Wehrmacht (l'armée régulière allemande) ou même la Waffen SS (la branche militaire de la sinistre SS).

    Imaginez vous seulement ce que cela représente : partir faire une guerre que vous ne voulez pas, vers le front de l'Est (la plupart du temps), sous un uniforme détesté et honni... laisser femme, enfants derrière vous pour vous retrouver avec des "Kameraden" qui vous considèrent comme un sale Français et face à des "ennemis" -alliés de la France- qui vous prennent pour ce qu'ils voient : un uniforme allemand !

    Ils n'avaient qu'à refuser, qu'à prendre le maquis, qu'à partir en Suisse toute proche" seriez-vous tentées de me répondre. Oui, certains l'ont fait et leurs familles ont été déportées, de plus ceux qui ont été repris ont été fusillés pour l'exemple ou pire, envoyés dans le camp de redressement de Schirmeck -pour les casser à coup de privation et de torture- et finalement les incorporer dans la pire des division : la Waffen SS ! Bref, soit vous vous sacrifiiez ou vos proches en subissaient les conséquences. Alors, qu'auriez-vous fait ?

    Mon fils aîné, qui s’est lancé à corps perdu dans la généalogie, m’a beaucoup aidé dans mes recherches. Par Internet, il a pu se mettre en rapport avec près de quatre cents cousins, proches ou lointains, ayant les deux mêmes ancêtres communs. Renvoyant les documents prêtés aussitôt consultés, il a pu en faire des photocopies et se trouve maintenant à la tête de centaines de lettres, véritable trésor de correspondance familiale, riche de renseignements de tous ordres.

    Je lui reproche souvent d’être égaré par sa passion, et de déterrer des secrets qui, finalement, ne lui appartiennent pas. Il n’est pas du tout de mon avis, prétendant que la généalogie ne peut se réduire à une succession de dates ; de même que la grande histoire des pays, complétée par la petite histoire, est beaucoup plus intéressante et plus instructive. Nous restons tous les deux sur nos positions. 

    Marie-Anne regrette tout haut :

    - C’est bien dommage que nous ne puissions pas admirer le si joli bijou que vous avez laissé à Paris ! »

    - J’ai sur moi une photo où je le porte, on le distingue assez bien sur ma robe. J’étais encore jeune à l’époque, et nous sortions souvent mon mari et moi.

    Le cliché circule, et personne ne remarque l’émotion violente qui étreint à Soizic après l’avoir vu. Elle se lève soudain et déclare maintenant :

    - L’heure du thé est venue ; passez à table, je reviens tout de suite. (à suivre)
        PENDENTIF RUBIS AVEC ENTOURAGE DE DIAMANTS MONTURE EN OR BLANC  BELLE QUALITE

1 commentaire:

Anonyme a dit…

la suite .. la suite ... la suite

c'est insoutenable ce suspens !