L'enfant du bal ( suite)

Les congés scolaires ne changent pas grand-chose , mis à part le mois d'Août , période de vide et de silence .
D'une manière habituelle , Boris , Christophe , Farida , Alain , Vanessa , Nadège, Abderaman , viennent chez elle goûter , à leur insu , la paix , la sécurité , mais , en plus , l'amour qui se dégage de cette existence finissante , de cette vie qui s'en va doucement .
  Elle est au courant de tout , et , accueille chacun avec le même sourire , et le même souci : Comment aider , apporter un peu de bonheur dans ces vies angoissées et souvent chaotiques ?
Que de familles se défont sous ses yeux , au grand dam d'innocents qu'on se dispute ensuite , ou qu'on expédie çà , comme des bagages encombrants !

Sans mot dire, Tantonnie reçoit à bras ouverts le nouveau parent. Elle reste elle-même , on la prend comme telle .
Son crucifix , sa Bonne Vierge lui ont fait subir moult questionnaires.
Elle explique aux enfants sa foi, son espérance .Au début de l'Avent, elle installe la crèche.Le papier rocher est bien vieux, bien abimé par endroits , mais une fois l’œuvre terminée , le tout est superbe .

Toujours, à la demande des enfants , elle raconte Noël .
Elle évoque devant eux la ferveur de naguère , les messes de minuit où la joie de l'évènement faisait oublier le froid glacial des églises .

Quand ils la surprennent son chapelet à la main , ils questionnent encore .
Tous les sujets sont abordés:
-Tantonnie , sais-tu que tu es très vieille ? Tu n'as pas peur de mourir ?
Elle aime les demandes directes des enfants , et sourit :
-Mais s, si , voyons  un peu comme tout le monde .Et ,avec la même franchise que ses jeunes amis , elle dit ce que la mort sera pour elle , non pas une fin , mais une vie nouvelle , et qu'elle attend tranquillement que le Bon Dieu vienne la chercher..Si le docteur ne se trompe pas , je m'éteindrai comme une chandelle , ainsi , dit-elle en soufflant la bougie allumée devant l'étable .

Les regards se tournent vers la crèche inachevée , l'Enfant jésus ne viendra que dans la nuit de Noêl .

-Dis , Tantonnie , tu n'as jamais eu d'enfant ?
-Mais non je n'ai jamais été mariée .
-Alors , tu n'as jamais tenu un bébé dans les bras ?
-Non , jamais .Maintenant , j'aurais trop peur de le faire tomber .Je ne voudrais pas m'en occuper..;cependant , quand j'arriverai là-haut , la Bonne Vierge me laissera bercer l'Enfant Jésus, oh, un court instant seulement !
Les jours précédant Noël , elle essaye de transmettre à son auditoire la vraie signification de la fête : la naissance de l'enfant divin venu pour sauver le monde.
Les enfants écoutent , les yeux fixés sur les petits personnages ...
Au bord de la crêche , elle place un ange blanc , assis sur un trône doré .
Tantonnie ne veut pas qu'on y touche  .Quand on s'en approche trop près , elle prend l'angelot dans ses mains .

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 Le 24 Décembre arrive ...
 La jeune population  déserte le rez de chaussée .On décore les appartements .
Il est maintenant vingt heures .Les bougies brûlent devant la crèche de Tantonnie . Elle va veiller un peu ce soir.Oh , certainement pas jusqu'à minuit , mais elle tient à revivre dans son cœur , ce trajet effectué il y a deux mille ans par ce jeune mari inquiet , et sa petite épouse fatiguée par la naissance prochaine .
"Ils ne trouvèrent pas de place à l'hôtellerie "
Avant de s'endormir , elle mettra l'Enfant Jésus dans la mangeoire  , pendant que retentira dans son coeur , encore une fois , le Gloria des anges .
Soudain , on sonne ..
Tout le monde connait les habitudes de la vieille demoiselle .On sait  qu'elle se couche de bonne heure ...
On insiste...une voix se fait entendre : C'est moi Sylvie Camus , la petite dame du dessus, le troisième à droite !
La porte ouverte , Sylvie s'avance : elle porte dans ses bras le couffin d'un bébé ." Tantonnie , s'il vous plaît, je voudrais aller danser ce soir, c'est Noël !on doit  réveillonner ensuite .Je n'ai personne pour garder Emmanuel !
-Mais , vous savez bien que je ne peux pas m'occuper d'un tout petit , je pourrais le faire tomber !
-Voyons , Tantonnie , je vais poser le couffin sur a table..Il y a deux biberons, tout prets, en thermos, des couches , c'est Noêl , faites cela pour moi!
Emmanuel a à peine un mois. Mademoiselle Hamel est pétrifiée. Noël , la danse le réveillon quelle association !
Avant qu'elle ait pu répondre, laa jeuns femme lui plaque un baiser sur la joue, et s'enfuit dans un tourbillon .....
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 L'institutrice se penche sur le couffin , dégage le visag de l'enfant , encore recouvert du drap qui le protégeait du froid de l'escalier...Elle s'extasie...Noël , ce bébé, un petit Emmanuel ! Il n'est plus question de se coucher ...Elle se dirige vers son fauteuil , cale ses pieds sur un tabouret et s'enveloppe d'une couverture .De temps en temps , un petit bruit atteste de la présence du nourrisson.;;Quand l'enfant commence à pleurer , elle s'extirpe de son siège pour lui donner le biberon .
C'est la première fois que cela lui arrive.Elle se penche , redresse le bébé , et , le maintient assis , mais le laisse dans le couffin .C'est lourd un bébé , zt le biberon n'en finit pas ...Elle sait tout de même qu'il faut veiller aux renvois .Ensuite , après avoir examiné la couche en papier , elle l'adapte convenablement , et sourit , satisfaite .
Noël inattendu , en vérité ! En tous cas , pour un Noël , c'est un Noël ! et que ce petit bout d'homme-là s'appelle Emmanuel , c'est pour elle un cadeau  !
En trottinant , Tantonnie met l'enfant jésus dans la crèche .
Elle retourne le petit ange , remonte le mécanisme dissimulé dans le socle, alors s'égrennent aigrelettes les notes de "Douce nuit" .
Sa tâche accomplie, Mademoiselle hamel se réinstalle dans son fauteuil ...

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Le lendemain , vers neuf heures, quand on tambourine à sa porte , Tantonnie ne répond pas .
Sylvie sonne donc en face , chez mademoiselle Vazeux .Celle ci possède une autre clef de l'appartement , mesure de prudence dont les vieilles demoiselles se sont assuré la réciprocité .
On entre enfin , le bébé pleure  tandis que Tantonnie reste impassible dans sa bergère ;;;
Sylvie et mademoiselle Vazeux hésitent , secouent légèrement la dormeuse et comprennent ...
La jeune femme, alors , s'empare du couffin , et remonte chez elle en criant...
Personne n'apprécie ce bruit dans l'escalier .Tout le monde s'est couché en fin de nuit , et désire faire la grasse matinée .
  Boris et Vanessa sont sortis de chez eux pour voir ce qui se passe .
Mélés à plusieurs curieux , ils pénètrent chez Tantonnie, hochent la tête et se disent " comme une chandelle sûrement"
On croit les avoir chassés , aussi , ne fait-on plus attention à eux.
La crèche est toujours là , avec son enfant Jésus maintenant à sa place.
Boris prend le petit ange, le retourne, aperçoit la clef , l'actionne et la musique se fait entendre .
Pendant ce temps , on s'afaire dans la chambre où l'on a transporté Tantonnie sur son lit ..;
Triste Noël pour Mademoiselle Hamel , commente une voix féminine !
-ah! ces vieux là, c'est misère et compagnie, rétorque la grosse voix du voisin du dessus , celui qui les gronde à chaque rencontre .
Les deux enfants sont ébahis , scandalisés .Dans cette petite salle, aux pieds de tantonnie , ils ont vécu des heures de bonheur et de paix .Ils y ont été accueillis , écoutés, compris , et aimés .
  A leurs yeux , la vielle dame possédait tout le savoir du monde , sans parler de ses richesses :ses puzzles confectionnés patiemment , celui des départements français, par exemple , ses ses jeux de l'oie où l'on découvrait l'histoire de France, les herbiers fragiles qui racontaient la nature, le théatre de marionnettes réalisé à la maison, les saynètes écrites et interprétées par l'auteur .
 Boris et Vanessa jettent un dernier regard vers la crèche , puis dans la chambre où Tantonnie allongée , semble plus petite ..;Ils se rappellent ce qu'elle leur a dit de la mort , et l'imaginent à l'instant même, en train de bercer l'Enfant jésus .Spontanément, ils s'écrient d'une seule voix en partant : Joyeux, très joyeux Noël Tantonnie !
La porte claque derrière eux , violemment refermée par.un adulte derrière eux.;