A douze ans on l'employa comme berger dans une
métairie ; mais blessé si grièvement à la suite de l’attaque d’un loup qu'il
lui devint impossible d'exercer cette profession, car il ne pouvait plus suivre
les bestiaux dans les champs.
Il revint donc
dans la chaumière paternelle, où sa blessure, mal soignée, ne fit que
s'envenimer. Jean-Louis Tréton, impropre à tout travail, fut obligé de prendre
le bissac, le bâton du mendiant, et d'aller de porte en porte dans les
métairies demander le pain de la charité. Presque toujours il était bien
accueilli ; Tréton s'efforçait d'ailleurs de reconnaître le bon accueil qu'il
recevait en rendant quelques petits services, en se chargeant de quelques
commissions, toujours remplies avec autant de fidélité que d'intelligence.
Des personnes
charitables, mesdames de Souvré, qui demeuraient dans ce canton, prirent
intérêt au jeune mendiant. Elles voulurent le voir, lui parler, et ses réponses
les frappèrent par un bon sens et un discernement remarquables. Elles le firent
entrer à l'hôpital d'Angers ; mais, au bout de six mois, on jugea sa plaie
incurable, et on le renvoya de nouveau à ses parents. Toutefois, avant son
départ, les médecins ont protégé la plaie de l’infortuné. En appliquant sur la
jambe malade une plaque métallique. Cette plaque donne l'origine de son surnom.
Dans le bourg
de Cossé, chaque dimanche après la messe, un marchand d'orviétan venait vendre
son spécifique. On lui amena le pauvre estropié, le charlatan s'engagea à le
guérir gratis, à condition que, pour prix de ses soins, l'enfant paraîtrait à
côté de lui sur ses tréteaux. Mais au bout de quelques mois, qui n'apportèrent
aucun espoir de guérison, le charlatan partit, abandonnant son malade, qui dut
reprendre son bâton et sa besace. Devenu plus âgé, Tréton, à qui pesait
l'existence de mendiant et qui cherchait sans cesse les moyens de gagner sa
vie, voulut se faire colporteur et se mit à vendre quelques menues merceries.
Mais il n'avait pas l'esprit du commerce, et il donnait toujours sans bénéfice
sa marchandise aux paysans qui l'avaient secouru dans sa misère. Bientôt il
abandonna ce petit négoce qui ne lui profitait pas et chercha une autre
profession. Celle de batelier lui parut convenir à son état d'infirmité.
Âgé alors de
dix-neuf ans, grand et robuste, quoique boiteux, il partit pour Angers afin de
se livrer à ce genre d'occupation qui ne devait pas fatiguer sa jambe malade.
Depuis ce moment, environ quatre ans se passèrent sans que ses parents
entendissent parler de lui.
Mais le premier
cri de guerre qui retentit aux oreilles du batelier boiteux suffit pour le
révéler à lui-même, pour l'enflammer d'une irrésistible ardeur, Les Vendéens,
dans, leur expédition d'outre-Loire, en octobre 1793, viennent, à traverser le
pays. Tréton va les joindre à Candé. Il se présente aux chefs, il demande un
fusil. On lui refuse cette arme, la jugeant inutile dans les mains d'un
boiteux, sans se décourager, Jean Tréton suit l'armée ; il arrive avec elle à
Château-Gontier, où une affaire s'engage. Il s'élance dans les rangs des
républicains, et, avant la fin du combat, il a conquis sur l'ennemi le fusil
refusé à son infirmité. Il fait avec les Vendéens toute cette fatale et
glorieuse campagne. Il participe à la Virée de Galerne, atteint Granville,
subit les défaites des Vendéens et leur retraite jusqu'à l'écrasement de la
bataille de Savenay.
Enfin, ce n'est
qu'après la dispersion totale de l'armée qu'il revient dans son pays. C'est en
1794, qu'il revient à Astillé se cacher dans le bois de la Saudraie.
Mais alors que
les campagnes du Maine sont terrifiées par le spectacle de la catastrophe des
Vendéens, il ranime par ses exhortations les courages abattus ; il promet des
succès et des armes. Vers le commencement de 1794, il rassemble une petite
troupe, formée en partie d'hommes qui, comme lui avaient servi parmi les
Vendéens, en partie de jeunes gens tout à fait inexpérimentés, au métier de la
guerre.
Dès les
premières affaires, Tréton y par son courage et son sang-froid, par la fermeté
de son coup d'œil et son éloquence entraînante, acquiert un tel ascendant sur
ses compagnons, que ces hommes le proclament unanimement pour leur chef.
Bientôt, dans
tous les environs de Laval, on cite le nom de Jambe-d'argent comme celui d'un
franc soldat et d'un vaillant capitaine.
C'est à
Montchevrier que Jambe d'Argent fut nommé chef des Chouans du canton, le 22
avril 1794. Le bois voisin servit souvent de lieu de réunion à sa division. Le
nouveau chef royaliste avait au plus vingt-quatre ans quand il fut investi du
commandement.
Jambe-d'Argent,
loin de se borner à une guerre de haies et d'embuscades, il attaqua souvent à
découvert des colonnes républicaines supérieures aux forces royalistes. Les
chouans, surtout dans le Maine et une partie de l'Anjou limitrophe, agissaient
d'ordinaire par petites troupes, plutôt que par grandes masses. Du reste ils
affrontaient l'ennemi en face tout aussi bien que les Vendéens.
Plus d'une fois
il fit preuve, à l'égard des troupes républicaines, d'une certaine humanité…Aussi
est-il le défenseur inconditionnel de ceux qui ont été si bons pour lui et qui,
en même temps, le confirmaient dans sa foi. »
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