Je suis bien placée pour approuver le texte qui suit:
Voici la lettre d'une instit très en colère...Je compte sur vous pour la
transmettre
au plus grand nombre : instits ou pas, et à préciser qu'il serait bien
que tt le monde l'envoie aux syndicats, aux médias , aux mairies...
Cher Monsieur Peillon,
L’illettrisme ? C’est ma faute. Ma méthode de lecture était sans doute trop globale.
Le décrochage scolaire ? C’est ma faute. Je ne suis pas capable d’intéresser mes élèves et rendre l’école attrayante. J’assume.
La délinquance juvénile ? C’est ma faute. Je n’insiste pas suffisamment sur l’Instruction civique et morale. J’assume.
L’obésité ? C’est ma faute. A cause du biscuit à la récré. J’assume.
Les
caries ? C’est ma faute. Je devrais fournir le matériel nécessaire à
mes élèves afin qu’ils puissent se brosser les dents sur le temps de
classe. J’assume.
Théo a 12 ans et porte encore des baskets à scratch ? C’est ma faute. J’aurais dû lui apprendre à faire ses lacets. J’assume.
Arthur s’est fait renverser par une voiture ? C’est ma faute. Je ne lui ai pas fait passer son permis piéton. J’assume.
Zoé
ne connait ni ses tables de multiplication, ni sa poésie, ni Jules
César, ni Vercingétorix, ni les départements français, ni…. Encore ma
faute. J’aurais dû lui faire apprendre ses leçons pendant qu’elle se
brossait les dents d’une main et nouait ses lacets de l’autre, avant de
traverser la rue en courant pour éliminer les calories du biscuit que je
l’avais forcée à ingurgiter à 10 heures ! Bref, j’assume tout.
Même
la crise économique. Il faut bien avouer que l’Etat me paie grassement
pour finir mes journées à 16h 30 et passer le plus clair de mon temps en
vacances…. Et j’allais oublier la sécurité de l’emploi…
Alors vous avez raison, Monsieur le Ministre. Il est grand temps de réformer tout ça.
Le
changement, c’est maintenant ! Vous avez enfin dévoilé votre plan pour
une grande Refondation de l’École. Grandiose ! Magnifique ! Courageux !
Audacieux ! Mes collègues et moi-même sommes enfin investis d’une
véritable mission d’intérêt général : supporter et soulager tous les
maux de notre société. Alors, méprisez-nous, insultez-nous,
frappez-nous, instrumentalisez les familles au nom du bien être et de
l’avenir de leurs enfants…
C’est tout ce que nous méritons ! En
plus, la FCPE se gausse et certains de nos syndicats applaudissent.
Franchement, vous auriez tort de vous en priver.
Toutefois, bien
qu’irresponsable, paresseuse, incompétente et quelque peu limitée
intellectuellement comparée aux cols blancs de la rue de Grenelle, j’ose
vous dire, Monsieur le Ministre, que votre projet est une hérésie voire
même une involution.
1) Bon nombre d’enseignants ne veulent pas de votre semaine de 4 jours et demi.
Quel salarié accepterait de travailler plus pour gagner moins ? Sarkozy en a rêvé, vous l’avez fait !
2)
Vous brandissez l’étendard des rythmes de l’enfant. Il est en effet
d’une logique implacable qu’ils seront moins fatigués en travaillant une
demi-journée supplémentaire. Vous êtes le Ministre de l’Éducation
nationale et vous ne vous adressez qu’aux enseignants. Pourquoi
n’expliqueriez-vous pas à moult parents qu’il est déraisonnable de
coucher son enfant à 23h ?...
3) La journée d’école écourtée,
bonne idée ! Expliquez à nos concitoyens que leurs impôts vont financer
l’accueil périscolaire (par ailleurs totalement inégalitaire sur le
territoire) et que leurs frais de garde vont augmenter. Je suis sûre
qu’ils apprécieront! Les maires qui doivent supporter le coût de votre
réforme aussi !
4) Savez-vous que le mercredi est une journée de
coupure nécessaire à la santé mentale des enseignants qui gèrent une
trentaine d’enfants chaque jour ?! Ignorez-vous que nous consacrons déjà
la majeure partie de notre mercredi à l’école (formation,corrections,
préparations…) ? Savez-vous que beaucoup de parents apprécient de
travailler à 80 % pour passer le mercredi avec leurs enfants ? Ah oui !
Suis-je bête ! C’est vrai qu’ils sont mieux à l’école que chez eux …
5)
Pensez-vous sérieusement qu’en supprimant les devoirs vous lutterez
contre les inégalités sociales ? Venez dans nos classes et montrez-nous
comment faire apprendre une leçon à 30 élèves en même temps ! Les
parents investis continueront le suivi de leur enfant à la maison. Pour
les autres, vous cautionnez leur manque d’intérêt pour l’école et les
encouragez à se déresponsabiliser encore un peu plus.
Les
enseignants ne sont pas omnipotents et ne pourront jamais se substituer
aux familles ! Leur faire croire le contraire est un mensonge éhonté et
dangereux ! Dans notre métier, le temps consacré à l’éducation tend déjà
à prendre le pas sur celui consacré à l’instruction (tant pis pour
l’orthographe, Vercingétorix et Jules César !). Il est donc grand temps
de redéfinir les missions de chacun !
6) Après les MDPH, les
PPRE, les PPMS, les DUERP nouvelle révolution : vous tentez de nous
enfumer avec vos PET ! Jamais un sigle n’aura aussi bien porté son nom !
7) Et les enfants dans tout ça ? On continue de les asphyxier
sous le poids de programmes surchargés et inadaptés. A quand un vrai
retour aux fondamentaux ? On continue de les accabler sous le poids
d’évaluations toujours plus normatives et dévorantes. Quand va-t-on leur
rendre le temps d’apprendre ?
On continue le bricolage avec les
élèves en difficulté. Quid des RASED dans votre réforme. A quand une
véritable égalité sur le territoire des prises en charge en orthophonie,
psychomotricité, psychothérapie…. ? (Jusqu’à un an d’attente dans le
Cher !)
On continue d’intégrer les enfants handicapés dans des
classes surchargées avec, dans le meilleur des cas, la présence d’AVS
sous- payés, plein de bonne volonté mais pas formés ! La négligence
confine parfois à la maltraitance ! Et les collégiens qui décrochent ?
On continue de briser des talents sous prétexte qu’on a raté sa vie si
on ne finit pas col blanc ? Pas de manuels, pas de pâtissiers, pas de
boulangers, pas de plombiers... Au nom de l’égalité, tous bacheliers !
Et tant pis pour ceux qui craquent avant : ils ne pourront plus être orientés à temps !
Je
pourrais continuer ainsi bien longtemps. Vous l’aurez compris, Monsieur
le Ministre, il va falloir réviser votre copie ! Les enseignants ne
sont pas hostiles à toute réforme. Au contraire, nous voulons redresser
notre école. La refondation doit se faire avec nous. Nous sommes les
premiers acteurs du système éducatif. Qui peut prétendre mieux le
connaître que nous ? Nous débordons d’idées, de suggestions alors
écoutez-nous !
Je n’appartiens plus à aucun syndicat, je ne suis
membre d’aucun parti politique, mes propos ne feront sans doute pas
l’unanimité, c’est pourquoi je vous invite à consulter le blog du
collectif des Dindons. Vous constaterez alors qu’il y a au moins deux
points sur lesquels nous sommes tous d’accord : votre projet en l’état
actuel des choses est inacceptable (aussi bien pour les élèves que leurs
enseignants) et nous ne nous laisserons pas déplumer !
J’appelle
maintenant les deux premiers syndicats enseignants de France à ne plus
rester sourds aux glouglous de leur base. J’appelle tous les enseignants
dépités, découragés, résignés à rester en colère. J’appelle tous les
parents qui veulent pour leurs enfants une école publique, républicaine
et laïque digne de ce nom à nous rejoindre. J’appelle tous les maires de
France qui refusent d’assumer le poids de cette réforme à faire
entendre leur voix. J’appelle tous ceux qui se considèrent comme les
dindons de cette farce à la mobilisation ! Soyons la nouvelle grippe
aviaire de cet hiver !
2 commentaires:
plaidoyer pour la paresse
Les ministres de l’Education arrivent toujours avec des envies de réforme ; ils en partent avec des envies de repos… Surtout, ce qu’ils appellent une « réforme » consiste toujours peu ou prou à défaire ce qui se faisait ou à refaire ce qui a été défait… En l’occurrence, le projet de Vincent Peillon consiste bien à rétablir la semaine de 4,5 jours au primaire que la droite a supprimée en 2008. C’est tout sauf une révolution. Peut-être que Vincent Peillon a manqué de pédagogie (un comble) mais il n’y avait sûrement pas matière à un tel tollé. En réalité, c’est une réforme bien trop mince pour qu’on s’en indigne.
Les difficultés de notre système scolaire sont connues : 120 000 élèves par an en sortent sans diplôme ni formation – autant de chômeurs en puissance ; l’enseignement technique est déconsidéré ; l’écart se creuse entre le niveau général des bacheliers et le niveau requis pour accéder aux meilleures formations supérieures – ce qui accroit les inégalités par le recours à l’enseignement privé. Raccourcir la journée des écoliers et favoriser les activités périscolaires, c’est bien ; mais ça ne résoudra aucun de ces problèmes. A ce stade, ça donne même l’impression à beaucoup de parents que l’école abdique une partie de ses missions au profit des collectivités.
Le problème, c’est qu’on a du mal à imaginer une réforme d’ensemble de l’éducation sans qu’aussitôt, les enseignants se mettent en grève !
C’est ce qu’il y a de plus désolant dans l’exemple du projet Peillon : ce décalage entre la minceur de ses ambitions réelles et l’ampleur de la mobilisation qu’elle a suscitée (90% de profs grévistes à Paris la semaine dernière…). Xavier Darcos a connu la même fronde quand il a proposé aux enseignants de rester dans les établissements pour être à la disposition des élèves en dehors des cours. On entend beaucoup parler de « l’intérêt de l’enfant » mais tout indique que beaucoup d’enseignants font primer leur intérêt à eux – notamment leur nombre de jours de vacances. C’est bien de corporatisme qu’il s’agit : un conservatisme borné au nom d’intérêts catégoriels d’autant plus déplacés que notre système éducatif est défaillant, cher et inégalitaire – trois raisons de vouloir le transformer plutôt que de le maintenir en l’état (ou hors d’état)…
S’il avait reculé à la 1ère grève, il n’avait plus qu’à aller s’asseoir au fond de la classe, près du radiateur ! Mais le fait est que cet épisode lève un quiproquo originel : Vincent Peillon a cru que l’élection de François Hollande, ses discours généreux sur l’école et ses 60000 créations de postes amadoueraient les syndicats ; les syndicats, eux, pensaient que le retour de la gauche les préserveraient de toute réforme. Ils se sont tous trompé. Donc Vincent Peillon n’est pas seul en cause ; mais si la défiance s’installe, c’est toute sa refondation de l’école qui risque d’être ralentie – peut-être jusqu’au surplace. Il risque de devoir remiser au placard ses grandes ambitions pour l’éducation – et du coup, ses ambitions personnelles aussi, alors qu’il s’imaginait en 1er de la classe gouvernementale. L’affaire des rythmes scolaire peut avoir des conséquences en termes de rythme politique.
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