lundi 11 octobre 2010

Souvenirs de mai-Juin 1940

Je me souviendrai toujours de l'expression de notre professeur entrant dans notre classe le 10 Mai:
Mes petites filles, les allemands ont envahi la Belgique .Cette personne était originaire du Nord de la France, et avait encore en tête le sort subi par les populations de ces département en 14-18 .
Mon Père était toujours optimiste et ne pouvait pas imaginer la défaite de nos troupes .
Certains départements français avaient été désignés pour recevoir les réfugiés menacés .
La Mayenne dût recevoir l'Aisne.La maison, les communs se remplirent .Dans les communs, il y avait les Laronce, au second étage de notre maison, Mr Dufour qui avait fait 14, sa fille Mlle Dufour, son autre fille Mme Lagrange, et la fille de celle-ci : Anne-Marie .Maman avait gardé quelques contacts avec ces derniers .Par reconnaissance, Mr Dufour se mit à entretenir le potager, sous l'œil admiratif de ma Tante .Les dames venaient souvent bavarder en bas . Avec Anne-Marie, nous avons trouvé tout un stock de chansons que chantaient autrefois Papa et Maman .Nous les avons déchiffrées au piano, et nous chantions. Juliette, une bonne, m'avait déjà appris à tricoter, Anne-Marie m'apprit à faire des chaussettes et des gants .
Avant que les écoles ne ferment pour de bon, nous allions, par classe, passer nos après-midi à la gare. Les trains de réfugiés n'arrêtaient pas de passer .Pendant la halte, nous distribuions café, bouillon, lait aux tout petits .L'oncle abbé, vicaire à St Pierre, était toujours présent .Un jour, on lui demanda, par une portière de venir vite baptiser un bébé mourant.Il entra dans le buffet, prit une carafe d'eau et baptisa .L'armée française était là aussi . Un jour Paulette M me dit, regarde tous les trains d'Anglais qui filent vers Brest, ils s'en vont, nous sommes fichus! Je ne voulais pas la croire .
Les institutions étant fermées, Maman persuada Papa, de nous envoyer avec ma Tante,et mon oncle Henri . à Damgan, car ils y avaient loué une villa pour l'été .Nous partîmes donc.Il y avait aussi ma Grand Mère .(Papa avait passé son permis de conduire à l'insu de Maman, en 39,elle l'a appris ensuite)
Nous avions donc une voiture pleine .Les parents restèrent quelque temps à Laval, puis, Maman décida Papa à venir nous rejoindre, ils eurent énormément de mal, Papa répétait à Maman, même s'ils prennent Paris, rien n'est perdu, et ensuite, La Loire les arrêtera. Hélas ...
Ils arrivèrent avec une voiture bondée ! une remorque pleine !
C'est alors qu'ils étaient là, que nous avons entendu, avec un vieux poste de radio, l'appel du Général de Gaulle.Il faut dire, que dès Octobre 39, sur le conseil des officiers qui logeaient chez nous, Papa n'écoutait que Radio Londres .Il se permettait de temps en temps d'écouter Berlin, d'où on entendait éructer Hitler.(il comprenait parfaitement ses discours) .
à l'appel du Général,Papa s'écria : voilà la France, rien n'est perdu .Jusqu'à mon mariage, je n'ai pas entendu d'autre radio à la maison .
Mais, revenons à Damgan. Nous vîmes les premiers Allemands sur la plage, devant la maison, ils s'amusèrent à tirer dans l'eau ...Les parents décidèrent de rentrer à Laval.mais ce n'est pas tout.
Le curé de St Pierre où l'oncle abbé était vicaire avait chez lui deux petits neveux réfugiés .Amené par un paroissien, l'oncle abbé arriva à Damgan accompagné des deux enfants !!!
On décida de rentrer à Laval ;On avait deux voitures, et une remorque .
Nous vîmes arriver un soir un couple de Belges, nous demandant d'acheter la remorque, mes parents lui montrèrent qu'elle était pleine et indispensable .
Dès le lendemain deux officiers allemands se présentèrent pour nous confisquer la dite remorque
Grand émoi, on chargea les voitures jusque sur les toits .Sur la route, nous avons rencontré le ménage belge qui avait bel et bien notre remorque !
Papa conduisait avec l'abbé à ses côtés, derrière, ma Grand Mère, maman les petits réfugiés, et,je crois, ma Tante .Dans la seconde voiture, nous suivions, les six enfants, avec l'oncle Henri .Comme j'avais le mal des voitures, je persuadai celui-ci de me laisser voyager sur le marche-pieds, me tenant à sa portière .
Au bout d'un certain temps, nous aperçûmes au milieu de la route ce qui ne nous sembla pas tout de suite être une voiture, mais nous vîmes l'entourant la famille qui y voyageait .La lourde charge,arrimée sur le toit avait peu à peu bougé, et en déséquilibrant la voiture, renversé celle-ci sur le côté .
Le premier
à en sortir fut l'oncle abbé qui mit ses pieds sur les côtes de Papa.Le pauvre s'en ressentit longtemps .Ma Grand-mère était sous les petits neveux du curé, Maman par dessus, et pour tout arranger les oeufs emportés comme en- cas avaient profané le chapeau rond de l'oncle abbé, en se cassant; Un garagiste qui passait par là dit qu'il fallait retourner la voiture sur des fagots, et qu'elle repartirait sans dommage, ce qui arriva .Nous allâmes coucher à même le sol dans l'arrière salle d'un café (je ne sais pas pour les grandes personnes) .
Nous sommes arrivés sans encombre à Laval .Le matin, les réfugiés avaient dit à Titine : vous ne faites pas de tartes quand les patrons ne sont pas là ?Elle en avait donc confectionnées. Nous sommes arrivés à point .
Papa se rendit à la Fabrique .réquisitionnée par l'Armée française elle l'était maintenant par l'armée Allemande .Son homme de confiance, ayant les clés, avait appelé tout le monde au travail, et, quand les Allemands sont arrivés, c'est lui qui les a reçus, et tout s'est bien passé .,enfin....

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