Un
aimable coup de téléphone de Me Préhu,
m’invite à me rendre chez lui pour y rencontrer un ancien camarade de
Faculté, perdu de vue depuis longtemps mais, qui, paraît-il, j’aimerais
sûrement connaître.
C’est
très volontiers que j’accepte, ce début d’Automne est magnifique, j’imagine
cette longue suite de peupliers ,véritable coulée d’or
faisant l’habituelle haie d’honneur à la
rivière .Des fenêtres du petit kiosque, j’ai déjà admiré ce
dernier salut à l’Eté .cela m’étonnerait de ne pas le contempler aujourd’hui.
Resterons-nous là à
deviser ou bien confortablement installés dans les bergères, ces anciens
notaires ,bons acteurs et conteurs plongerons-t ils dans leurs souvenirs, pour
la plus grande joie de la spectatrice attentive que je suis ; En effet, si
les propos des deux hommes auront sûrement des points de communs, je gage que
surgiront spontanément de leur mémoire des
Etres et des situations pittoresques.
A mon arrivée, ils
savourent visiblement leur cigare ayant à portée de main leur verre de vieux
Calvados. Ainsi, vous vous intéressez paraît-il, à nos radotages de tabellions
en retraite ? J’avoue que les moments que je passe avec notre hôte commun
me sont toujours très agréables .Il me fait pénétrer dans un univers inconnu
qui ne laisse pas de m’étonner.
Pendant que je
déguste le cake parfumé que vient de m’apporter mademoiselle Marthe accompagné
de mon thé préféré, Me Préhu, s’adresse à son ami : raconte-nous donc,
pour commencer, cette histoire de famille que tu as évoquée pendant le
déjeuner.
-Eh bien, voici : je vous la livre sans avertissement
,celles que vous avez entendues de mon ancien camarade de promotion, n’étaient
sûrement pas édifiantes non plus..
La famille G était
considérée dans la petite ville dont je tairai le nom, évidemment, comme un
exemple à suivre, nombreux enfants, réussis intellectuellement, scouts les uns
après les autres, la situation de monsieur, directeur de banque, laissant à
Madame la possibilité de se faire servir et de s’adonner aux bonnes œuvres.
Le père de la tribut, était en outre musicien et tenait
l’orgue à l’église, bref, exemplaire.
La dernière fille non
mariée, avait, semble-t-il eu mois de chance, mais très attachée à ses parents,
ellete., il avait le temps de s’en occuper.
Mademoiselle
Marthe nous interrompit pour s’enquérir de nos désirs éventuels, et Maître
Ladien poursuivit.
Monsieur G était un
homme d’ordre et méticuleux, son bureau était un modèle de rangement .Celui que
nous appellerons André n’eut aucun mal à retrouver les carnets de chèques, les
relevés de banque classés par année, les factures de toutes sortes, les doubles
des bulletins de salaire des domestiques . Il sut tous les prix des différentes
voitures, les frais de garagiste,
de pourboires et, je dois faire état d’un détail vraiment
cocasse, un carnet spécial était destiné à
ses bonnes œuvres, quêtes et denier du culte inclus !!!
Armé de son téléphone ,comme le brigadier du théâtre, il
annonça que le »spectacle » pouvait commencer, tout le monde pouvait
venir.
A l’arrivée des
frères et sœurs tous les meubles , bibelots, lustres, argenterie, étaient
dûment étiquetés de la valeur estimée.
La table de la salle
à manger dépliée dans toute sa longueur était recouverte des innombrables élément leur rendait de multiples services .
Les sept enfants,
vois ai-je dit leur nombre devinrent chirurgien, officier de marine, haut
fonctionnaire, directeur de société etc, etc il y eut même parmi eux un prêtre
qui malheureusement se laissa bercer par les sirènes de Mai 68 .je vous donne
tous ces détails , car on ne pouvait pas s’attendre à des bouleversements dans
l’avenir.
Les deux
parents s’éteignirent tous deux à un âge respectable et, à très peu temps de
distance .La succession ne fut ouverte qu’après le décès du dernier. C’est là
que les choses prirent une tout autre tournure .
Le fils aîné
s’arrogea le droit d’élire momentanément domicile dans la maison mortuaire,
au chagrin de sa jeune sœur ;Il signifia qu’il prenait
les chose en mains, inventaire par commissaire priseur, et qu’il allait mâcher
le travail du notaire pour que la succession ne traîne pas, il était l’aîné,
et, déjà en retrais de comptabilités précités.
Il détailla par le menu les biens et valeurs de ses
parents ;
Aucune difficulté ne
sautait aux yeux des héritiers .La petite dernière, que nous appellerons Marie
suggéra d’avoir une pensée reconnaissante pour les Père et Mère qui leur
léguaient a autant
Nous y voilà proféra
André sue un ton qui fit sursauter l’assemblée, ainsi que mon clerc qu’on y
avait prié.
L’ordonnateur des
hautes œuvres brandit un livre de comptes, et un carnet de chèques sous les
yeux de Marie ;Oui, remercions tous notre Père pour la tenue de ses
comptes .
A telle date, ma
chère Marie, tu as perçu de notre Père, un chèque de telle valeur,
-Oui, Papa m’a appelée pour me dire que je n’avais pas pu
faire les mêmes longues études que mes frères et sœurs ,et,
il m’a , en , effet, remis ce chèque .
murmure
d’approbation de la majorité..
Cela serait une injustice .désapprobation de la majorité
Il Y a mieux .Je garde le plus beau pour la fin .
Mes études terminées,
et, ayant déjà une situation, j’ai demandé une certaine somme à mon
Père ;Elle est du reste consignée dans ses papiers .qu’a-t-il
répondu ? ou plutôt, qu’a-t-il fait ?
J’ai dû lui signer un reçu, tu n’as pas eu à le faire, ma
chère Marie, et, en plus, il a exigé que je lui verse à dates convenues, les
intérêts équivalents à ceux de la caisse d’Epargne ! Vous appelez cela la
justice ? –Tu n’étais pas dans le besoin, que je sache, omit un autre
frère .
-Les parents ont jugé ,nous n’avons pas à revenir là-dessus
.
Cela n’est pas du tout mon avis, et , certainement pas celui
d’un juriste, dit-il en s’adressant au clerc présent. Celui-ci se retrancha
derrière son patron .
Les frères et sœurs blâmèrent leur aîné .la discussion
devint orageuse . Marie l’interrompit
en disant qu’une fois toutes les estimations terminées, on
déciderait pour elle la façon de s’acquitter de sa dette.
Notre père doit se retourner dans sa tombe, ce devrait être
à la majorité de décider, dit le haut fonctionnaire .
Agissez comme vous voulez, repartit André, j’irai même
jusqu’au procès, j’ai tout mon temps.
Donc, si je comprends bien, rétorqua le directeur .Il va
nous falloir attendre de connaître le montant de la succession, immeubles,
mobilier, et numéraires compris pour savoir comment Marie se libèrera .As-tu
pensé à la façon dont elle a entouré nos parents, puisque nous étions tous
éparpillés en France .
-c’est un concours de circonstances ,mais, mon Père n’a pas
fait disparaître la trace de ses largesses ;Ordonné comme il était,
cela ne doit pas nous échapper. Marie
devrait, au contraire, me remercier de ne pas tenir compte des intérêts,
et , je vous ferai remarquer que vous en seriez tous bénéficiaires. Nous
lui faisons un fameux cadeau !
Marie jeta un coup d’œil circulaire, formulant, dans son
cœur un adieu renouvelé à ses parents et, se demandant, m’a-t-elle dit plus
tard, quel souvenir elle pourrait garder de cette réunion de famille. .Elle
entendait, comme dans un brouillard évoquer les bagues de fiançailles offertes
aux fiancées des garçons, on ergota même sur le prix du calice offert au moment
de l’ordination. .
Il resterait à produire chez le notaire, les frais de
sépulture, et, on concèderait m^me à Marie
Le remboursement du repas offert le jour de l’enterrement et
commandé par elle sans l’approbation de tous .
Le troisième et
dernier acte eut lieu à l’étude.
Le notaire mentionna les monuments funéraires
familiaux ;hélas ,ils étaient au nombre de cinq ! Il en aurait fallu
sept. !
J’ai eu du mal à garder mon sang froid, ajouta Maître
Ladien, Seule Marie ,vivant sur place entretiendrait régulièrement la tombe de
ses parents…
Très calmement tout
de même, je déclarais que pouvaient prétendre à une place dans tous les
monuments énuméré »s ,je déclarais la succession close.
L’après-midi
tire à sa fin ,et, je dois prendre congé de ceux qui m’ont fait passer un si
agréable moment.
Tout en roulant au
volant de ma voiture je ne peux m’empêcher de penser à une famille que je
connais bien,
Dans la même allée du
cimetière de la commune ,dont ils sont propriétaires de la majorité des
Fermes, sept monuments funéraires identiques sont alignés.
Ont-ils eu peur de se retrouver encore discutaillant à quelques mètres sous terre ? Se
disputent-ils toujours leur place au Paradis ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire