Le Bagage abandonné
La mer,bleu d'azur , s'étend à l'infini ,
Le soleil irradie ce chaud après-midi ,
Tout en haut de la plage , sous un pin parasol ,
Je savoure le moment, cette heure qui s'envole .
Juste à côté de moi , un sac abandonné ,
Egaré peut-être au cours de la journée ,
Affaires d'un baigneur assez peu éloigné ?
Soudain , il m'apparut , finissant de nager,
Un vrai Dieu de la mer , brun comme un étranger.
Ses yeux noirs et vifs , regardant le bagage ,
Je souris : vous savez , je n'ai rien dérangé !
J'en suis sûr , mais voyez comme je suis désinvolte
Et traite assez mal tout ce que je transporte :
Mes carnets de croquis , mes crayons , mes fusains ,
Ne m'ont pas dissuadé d'aller prendre mon bain !
Il s'assit à mes pieds , sans façon , sur le sol ;
Je cueillis bientôt ses confidences au vol.
Il murmura d'abord , plus qu'il ne parla ...
Un jour , si jamais , je parviens au grand âge ,
Peut-être , comme Ulysse,
Heureux de mes voyage ,
Me trouverai-je un toit où ranger mes esquisses ?
Sa voix s'enfla ,
Le ton monta ...
Aurais-je , aurais-je dû m'arrêter dès avant
Mais , je file toujours , comme poussé par le vent ,
Emportant avec moi , dérobés au passage ,
Un visage d'enfant , une ruine , un village ,
La Nature , la Vie , enfin , tout ce que j'aime !
Il se tut un moment ,
Et , soudain , sans ambages ,
Il ouvrit ses cartons.
Il me laissa tout voir :
Image , après image .
Muette d'émotion...
Je me souviens d'avoir
Goûté un vrai talent ...
Nous causâmes peinture , musique , et poèmes ...
Pourquoi , lui ai-je dit , que moi , en écrivant ,
En fignolant les rimes , sinon les assonances ,
Je songeais effleurer les cordes d'un violon ,
Rêvant de transformer en archet mon crayon ?
Il revint en arrière ...
Evoqua ce grand-Père
Arrivé de Russie pendant la grande guerre
Avec ses parents , et un stradivarius
Dont il jouait pour vivre à Paris , dans les rues .
Il s'estimait heureux ,
Lui , le pauvre exilé ,
Possesseur d'un violon , à jamais égalé.
On devait , disait-il , entendre chanter l'âme
Crée par un luthier
Aux mains agiles d'un Dieu .
L'archet , tel une lame ,
Vous entrait dans le cœur ,
Faisant naître une larme
Ou danser de bonheur .
Dans les squares , aux fenêtres , ou dans un cabaret ,
Il serrait contre lui son trésor secret ;
Il remerciait ainsi le Maître d' Italie
Père de la fabuleuse table d'harmonie .
Un ange nous frôla :
De Kiev ou d'Odessa ?...
Nous prolongions l'instant ,
Ô , merveilleux silence
Où les âmes s'assemblent ,
Où les cœurs marchent à l'amble...
Cela nous arriva...
Et puis , il se leva ...
Nous nous en étions dit autant
Qu'à travers un long bavardage ...
La plage se vidait , nous annonçait le soir ,
Alors , il est parti , reprenant son bagage :
Un geste de la main ,
Un autre , un peu plus large ,
Adieu , pas au revoir:
C'était sans lendemain.
L'Art nous avait ainsi brièvement réunis ,
Le hasard , sûrement pas , ce ne peut être lui.
Seule, je ne ressentais aucune mélancolie ,
En moi , germait déjà une autre poésie ....
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