samedi 18 mai 2013

D'habitude ....

Je garde mes petits poèmes pour mes  " cistes " , quand ils ne sont pas  confidentiels ..Celui que je livre aujourd'hui , je l'ai écrit en pensant à toute une partie de la famille de ma Mère , où tout le monde est artiste, artiste peintre ( et non des moindres ) musicien, sculpteur, inventeur des santons alsaciens etc .Je me souviens d’Éric, disparu, mais qui des deux côtés de ses parents avait des ancêtres argentins ou espagnols....



Le Bagage abandonné


La mer,bleu d'azur , s'étend à l'infini , 
Le soleil irradie ce chaud après-midi , 
Tout en haut de la plage , sous un pin parasol ,
Je savoure le moment, cette heure qui s'envole .

Juste à côté de moi , un sac abandonné , 
Egaré peut-être au cours de la journée ,
Affaires d'un baigneur assez peu éloigné  ?

Soudain , il m'apparut , finissant de nager,
Un vrai Dieu de la mer , brun comme un étranger.
Ses yeux noirs et vifs , regardant le bagage , 
Je souris : vous savez , je n'ai rien dérangé !

J'en suis sûr , mais voyez comme je suis désinvolte
Et traite assez mal tout ce que je transporte  :
Mes carnets de croquis , mes crayons , mes fusains , 
Ne m'ont pas dissuadé d'aller prendre mon bain !

Il s'assit à mes pieds , sans façon , sur le sol ;
Je cueillis bientôt ses confidences au vol.
Il murmura d'abord , plus qu'il ne parla ...
Un jour , si jamais , je parviens au grand âge , 
Peut-être , comme Ulysse,
Heureux de mes voyage , 
Me trouverai-je un toit où ranger mes esquisses ?

Sa voix s'enfla , 
Le ton monta ...

Aurais-je , aurais-je dû m'arrêter dès avant
Mais , je file toujours , comme poussé par le vent ,
Emportant avec moi , dérobés au passage , 
Un visage d'enfant , une ruine , un village ,
La Nature , la Vie , enfin , tout ce que j'aime !

Il se tut un moment , 
Et , soudain , sans ambages , 
Il ouvrit ses cartons.
Il me laissa tout voir :
Image , après image .
Muette d'émotion...
Je me souviens d'avoir 
Goûté un vrai talent ...

Nous causâmes peinture , musique , et poèmes ...
Pourquoi , lui ai-je dit , que moi , en écrivant , 
En fignolant les rimes , sinon les assonances , 
Je songeais effleurer les cordes d'un violon , 
Rêvant de transformer en archet mon crayon ?

Il revint en arrière ...
Evoqua ce grand-Père
Arrivé de Russie pendant la grande guerre
Avec ses parents , et un stradivarius
Dont il jouait pour vivre à Paris , dans les rues .

Il s'estimait heureux , 
Lui , le pauvre exilé ,
Possesseur d'un violon , à jamais égalé.
On devait , disait-il , entendre chanter l'âme
Crée par un luthier
Aux mains agiles d'un Dieu .

L'archet , tel une lame , 
Vous entrait dans le cœur ,
Faisant naître une larme
Ou danser de bonheur .

Dans les squares , aux fenêtres , ou dans un cabaret , 
Il serrait contre lui son trésor secret ;
Il remerciait ainsi le Maître d' Italie
Père de la fabuleuse table d'harmonie .

Un ange nous frôla :
De Kiev ou d'Odessa ?...

Nous prolongions l'instant , 
Ô , merveilleux silence
Où les âmes s'assemblent , 
Où les cœurs marchent à l'amble...

Cela nous arriva...
Et puis , il se leva ...

Nous nous en étions dit autant
Qu'à travers un long bavardage ...

La plage se vidait , nous annonçait le soir , 
Alors , il est parti , reprenant son bagage :
Un geste de la main , 
Un autre , un peu plus large , 
Adieu , pas au revoir:
C'était sans lendemain.
L'Art nous avait ainsi brièvement réunis , 
Le hasard , sûrement pas , ce ne peut être lui.


Seule, je ne ressentais aucune mélancolie , 
En moi , germait déjà une autre poésie ....
 


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